Sa compagne est violoniste dans l'orchestre qu'elle dirige à Berlin, elle donne des cours à la fondation qu'elle a cofondée à New York et, à ses heures perdues, elle compose. Un agenda bien rempli fait de voyages et de rencontres élitistes. La maestro (terme qu'elle préfère à la version féminisée) laisse peu de place au hasard et n'a pas de temps pour prendre des pincettes avec les gens qui l'entourent. Elle est cash, frontale et cela ne plaît pas à tout le monde. Là où tout commence à déraper, c'est lorsque sa vie si bien millimétrée est confrontée à un drame qui l'implique de près et menace son univers formaté. Un réveil insidieux qui la pousse dans ses retranchements, mais sans pour autant qu'elle ne se remette réellement en question. Car le film insinue plus qu'il n'explique, nous ne quittons jamais le point de vue de la cheffe d'orchestre, et si l'on nous donne à voir ses quelques moments de faiblesse, c'est surtout sa résilience qui frappe, quitte à ce qu'elle paraisse froide et manipulatrice (ce que le personnage est assurément, sans que l'on sache finalement jusqu'à quel point). Libre à chacun de la trouver horrible ou au contraire humaine, et donc faillible. Et qui d'autre que Cate Blanchett aurait pu jouer un rôle aussi complexe avec une aisance si déconcertante ? Elle est quasi de tous les plans, on suit ses regards, ses mouvements, ses doutes et ses certitudes, dans ce qui est une vraie masterclass du métier d'acteur de cinéma. L'actrice s'efface encore une fois derrière le rôle, un de plus à ajouter à sa déjà impressionnante galerie de personnages. La mise en scène du film est, à l'image de Lydia Tàr, tantôt nerveuse, tantôt lente, aux tons froids et aux plans parfaitement maîtrisés. La musique, outre les extraits tirés d'oeuvres de Mahler, est entrecoupée de compositions de la très contemporaine Hildur Guðnadóttir (« Tchernobyl », « Joker ») qui est d'ailleurs citée dans le film.
Durée du film : 158 min. Genre : Drame psychologique Date de sortie en Belgique : 25 janvier 2023 De Todd Field – Avec Cate Blanchett, Noémie Merlant, Nina Hoss, Sophie Kauer, Julian Glover, Mark Strong.
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La force du film repose justement sur son sujet original. Car de lui découle tout le reste : l’émerveillement que nous ressentons, la folie qui anime le personnage principal (Kazunari Ninomiya) mais aussi la poésie qui se dégage des séances photos ! A travers le prisme de l’image photographiée qui permet de garder une trace, le réalisateur parvient à nous faire réfléchir à la fois sur ce médium, véritable reflet du réel ; mais aussi sur l’importance de poursuivre nos rêves, et de chérir nos souvenirs passés. C’est souvent bien vu et même parfois émouvant ! Profondément humaniste, cette comédie alterne rires et émotion en esquissant des sujets plus graves tel le tsunami qui a ravagé le Japon en 2011 et dont il ne reste que des photos d’un temps plus joyeux et salies par le temps.
Durée du film : 2h07 Genre : Comédie dramatique Date de sortie en France : 25 janvier 2023 De Ryota Nakano avec Haru Kuroki, Kazunari Ninomiya, Masaki Suda, Satoshi Tsumabuki
Si on peut y voir une pâle copie de « Mission:Impossible », il faut aussi avouer que l’on prend plaisir à découvrir le cabotinage de Hugh Grant en milliardaire sirupeux et à suivre les dialogues drolatiques assénés par l'excellente Aubrey Plaza qui ne perd pas le nord face au macho agent du MI-6 interprété par Statham.
Durée du film : 114 min.
Genre : Action/espionnage Date de sortie en Belgique : 18 janvier 2023 De Guy Ritchie – Avec Jason Statham, Aubrey Plaza, Josh Hartnett, Hugh Grant, Bugzy Malone, Cary Elwes.
On ne peut nier que ce gros gâteau qui en met plein les yeux a de vrais moments de grâce, mais manque aussi parfois d’émotion. Le plus réussi étant finalement les personnages secondaires issus de minorités qui vivent le racisme ordinaire, sans en faire trop, ça sonne juste. Visuellement époustouflant, complètement sublimé par les compositions impeccables de la magnifique Margot Robbie en starlette prête à tout et d’un Brad Pitt suave à souhait en superstar du cinéma muet, sans oublier la découverte du Mexicain Diego Calva qui ne démérite pas entre les deux stars, il manque peut-être au film ce supplément d’âme qui aurait pu l’élever au rang de futur grand classique. Surtout que le glauque frôle souvent l’overdose (sans faire de mauvais jeu de mots, la cocaïne étant omniprésente dans ce monde décadent et autodestructeur). Depuis que j’ai vu le film, je ne cesse de m’imaginer ce qu’il aurait pu donner entre les mains d’un Baz Luhrmann, par exemple, « Babylon » étant visuellement et thématiquement en plein dans son style de prédilection. Ici, Chazelle se fait plaisir en citant tout ce qu’il aime dans le cinéma, il est très bien aidé par ses acteurs, son directeur photo Linus Sandgren et son compositeur de cœur Justin Hurwitz de nouveau à l’œuvre avec des compositions jazzy entêtantes.
Durée du film : 3h09
Genre : Drame/Comédie Date de sortie en Belgique : 18 janvier 2023 De Damien Chazelle – Avec Margot Robbie, Brad Pitt, Diego Calva, Jean Smart, Li Jun Li, Jovan Adepo, Lukas Haas, Eric Roberts, Tobey Maguire
Avis : Adapté de la bande dessinée du même nom parue chez Casterman (histoire qui a également été déclinée en roman chez le même éditeur), « La guerre des Lulus » de Yann Samuell est un long-métrage déstabilisant qui nous faire découvrir la Première Guerre Mondiale à hauteur des yeux d’enfants. Si les libertés prises par rapport au matériau d’origine sont très nombreuses et l’apparition de personnages secondaires ou de situations revisitées diverses et variées, on comprend leur intérêt de se mettre au service d’une relecture personnelle et pas si inintéressante que cela de la part du célèbre réalisateur français à qui on doit, entre autres, « La guerre des boutons », « Jeux d’enfants », « Le fantôme de Canterville » ou encore « L’âge de raison ». Si elles apportent une belle densité et une extrême bienveillance paternelle ou maternelle aux orphelins que l’on suit avec tendresse et amitié, la tonalité est très différente de ce que l’on s’était imaginé en parcourant les planches colorées de Régis Hautière et Hardoc et on regrette, par moments, que la proximité ne soit pas plus « respectée ». A prendre comme un nouvel objet se basant sur un univers croqué dans le 9ème art, « La guerre des Lulus » version Yann Samuell est un film familial qui permettra à tout un chacun de prendre le pouls des tranchées, de l’invasion allemande dans les régions rurales de France, de vivre au plus près la survie de cinq enfants abandonnés par tous et tristes de ne pas pouvoir être aimés.
Durée du film : 1h37
Genre : Drame Date de sortie en Belgique/France : 18 janvier 2023 De Yann Samuell – Avec Léonard Fauquet, Loup Pinard, Mathys Gros, Tom Castaing, Paloma Lebeaut, François Damiens, Alex Lutz, Isabelle Carré, Ahmed Sylla, Didier Bourdon et Emmanuelle Grönvold
Opposées dans leur mode de vie, leur look, leur vie de famille, Blandine et Magalie se sont perdues de vue depuis de nombreuses années. Alors, quand le fils de Blandine organise des retrouvailles amicales pour rebooster sa mère, on se doute par avance que cela va difficilement « matcher ». Et pourtant… accomplissant leur rêve d’adolescentes de partir sur les traces du tournage du « Grand bleu », les deux amies vont vivre des aventures extraordinaires, se retrouver, se disputer, s’apprécier ou se détacher. Mais l’expérience vécue à deux dans ces Cyclades ne les laisseront pas de indifférentes et leur permettra de changer leur regard sur les autres, sur leur quotidien, leurs projets, bref, sur une vie plan-plan dans laquelle elles se sont réfugiées trop longtemps. A l’instar de Bijou (formidable Kristin Scott Thomas œuvrant à contre-emploi), les deux femmes vont changer leur regard sur la société mais surtout sur elles-mêmes, s’épanouir et peut-être enfin s’aimer.
Durée du film : 1h50 Genre : Comédie Date de sortie en Belgique : 18 janvier 2023 Date de sortie en France : 11 janvier 2023 De Marc Fitoussi – Avec Laure Calamy, Olivia Côte, Kristin Scott Thomas et Panos Koronis NB: Notre interview de Marc Fitoussi est à retrouver dès la 30ème minute dans notre émission "Les curiosités cinéphiles" diffusée sur RCF le 6 janvier dernier
« Pacifiction », le dernier film d’Albert Serra offre à Benoît Magimel, son acteur principal, un rôle dont l’interprétation aurait mérité la palme d’Or au dernier festival de Cannes où il a été présenté. L’injustice sera-elle réparée lors des prochains Césars ? Posant sa caméra sur l’île paradisiaque de Tahiti, le réalisateur filme la propagation d’un murmure, prenant la forme d’une crainte se transformant peu à peu en rumeur, puis en danger bien réel : celui d’un essai nucléaire perpétré depuis un sous-marin français aux larges des côtes. La beauté des îles… et de son acteur principal ! Dès les premiers instants, nous suivons le Haut-Commissaire de la République De Roller (serait-ce la plus belle interprétation de Benoît Magimel ?) sur l’île dont on a l’impression qu’il en est le roi ! Mais très vite, les autochtones lui font part de leurs craintes de voir revenir les essais nucléaires qui avaient déjà meurtri l’île vingt ans plus tôt. Alors, ce personnage perçu comme un colosse quelques instants plus tôt, se transforme sous nos yeux ébahis en géant aux pieds d’argile avant de vaciller. Et c’est là que le film nous a emporté, précisément grâce à l’interprétation magistrale de son personnage principal ! Benoît Magimel est tout simplement prodigieux dans son rôle car nous voyons le doute s’immiscer en lui et le déstabiliser. Tel un boxeur sonné, il cherchera à maintenir son rang quelques rounds de plus pour tenter de déjouer l’inéluctable, le sourire aux lèvres ! Se racontant des histoires, il cherchera à mener son enquête parmi les siens mais se retrouvera très vite immobilisé par une bureaucratie "kafkaïenne". Lent plus qu’il n’est long (malgré ses 2h45 au compteur), « Pacifiction » offre des panoramas somptueux faits de lagons turquoises et de cieux enjôleurs embrasés par l’orange et un rose surnaturel ! Et c’est là que la photographie d’Artur Tort fait des merveilles puisqu’elle invite au voyage et à une certaine méditation.
Durée du film : 2h45 Genre : Drame Date de sortie en Belgique : 11 janvier 2023 De Albert Serra – Avec Benoït Magimel, Sergi López, Pahoa Mahagafanau et Cécile Guilber Cette semaine, notre équipe a également rattrapé deux films sortis le 4 janvier dernier: "Les Banshees d'Inishirin" de Martin McDonagh et "Tirailleurs" de Mathieu Vadepied avec Omar Sy "Les Banshees d'Inisherin"
“Le privilège d’être né sur une île, c’est qu’on comprend tout de suite qu’il faut voyager.” Marcello Fois Partant d’une idée insolite, à savoir la fin soudaine d’une amitié sans aucune raison manifeste, « Les Banshees d'Inisherin » est un film surprenant dans son synopsis mais qui ne parvient pas à convaincre sur la durée. Pourtant, évacuons d’emblée les deux forces du film qui ne souffrent d’aucune critique à commencer par le casting exemplaire mené de main(s) de maitre(s) par une brochette d’acteurs/actrice irlandais parfaits dans leurs rôles. Outre le duo vedette composés des excellents acteurs Colin Farrell (« The Batman ») et Brendan Gleeson (« L’Irlandais » justement), la surprise est à aller chercher du côté de l’actrice Kerry Condon (« Better Call Saul »), formidable de justesse dans son rôle de sœur du héros. Ensuite, la réalisation de Martin McDonagh (« L’Irlandais », « 3 Billboards, Les Panneaux de la vengeance ») fait de cette île isolée de l’Irlande un havre de paix sublime, où hélas, il ne se passe pas grand-chose. Nous sentons la solitude qui pèse sur certains protagonistes car oui, l’île manque quelque peu de vie et d’activités. Bien sûr, le pub local rassemble les quelques fidèles, l’église avec sa messe en latin est bien suivie par les habitants se mettant sur leur trente-et-un et enfin, la principale épicerie tenue par une commère trop heureuse des derniers ragots est là pour les produits de première nécessité. Mais cela fait effectivement peu ! Le véritable problème de ce « Les Banshees d'Inisherin » est à aller chercher du côté d’un trait trop forcé sur des personnages en manque de relief et d’un immobilisme qui porte atteinte à toute possibilité dynamique. Alors oui, sous ses allures pittoresques, le métrage perd le spectateur par sa lourdeur scénaristique qui n’aide pas l’intrigue à avancer. A la lumière du film, il reste une réflexion intéressante sur le temps qui passe, un certain désespoir, les rêves inassouvis que l’on porte en nous mais aussi notre propre finitude… Mais à quel prix ?
"Tirailleurs"
Le sujet n’aurait peut-être attiré dans les salles que des férus de reconstitutions historiques s’il n’avait pas été porté par la figure populaire d’ Omar Sy, par ailleurs co-producteur du film. L’acteur-vedette d’"Intouchables" (film pour lequel Vadepied était chef opérateur), de "Samba", "Chocolat" et d’autres succès populaires trouve dans ce personnage un rôle qui lui permet d’exprimer une autre facette de son talent, à l’opposé des compositions qu’il a jouées jusqu’à présent. Les fans de l’acteur au tempérament jovial et bon enfant seront quelque peu déroutés par le visage (et le langage, non francophone) qu’il leur offre dans cette tragédie familiale sur fond de guerre. Et c’est bien la famille la trame principale de l’intrigue. Cette oeuvre, si elle relate la guerre des tranchées du point de vue des Sénégalais, ne s’apparente pas vraiment à un film de guerre traditionnel. Les scènes de bataille, plutôt minimalistes, manquent souvent d’épaisseur. Cela en fait-il une réalisation à moitié réussie ? Oui, si l’on se positionne d’un côté ou de l’autre de la barrière des genres cinématographiques, bien que l’aspect historique semble assez fidèle à la réalité selon les experts. Non, si on se laisse porter par l’histoire en dépit d’un creux dramatique béant à mi-parcours, celle-ci reprenant étonnement du souffle dans le dernier quart d’heure. La charge antimilitariste de ce film, médiatisé comme une traînée de poudre, a le mérite de susciter la réflexion et de rappeler le devoir de mémoire. L’hypothèse finale d’un Soldat Inconnu Sénégalais, témoignage sous-jacent du politiquement correct des scénaristes, paraît en revanche un peu trop simpliste et manque de crédibilité.
Réalisé par Blandine Lenoir à qui on doit déjà les très réussis « Zouzou » et « Aurore », le film continue dans la lignée de ces portraits de femmes intimes et admirables que la cinéaste nous a déjà présentés. Si de multiples points communs réunissent « Call Jane » de Phyllis Nagy sorti le 30 novembre dernier (l’association des femmes, la clandestinité de leurs actes, la solidarité et les mouvements de protestation) « Annie Colère » met en lumière le combat de femmes françaises, quelques années après mai 68, pour devenir maîtres de leur corps, de leurs actes et de leurs décisions. Pour cela, elles peuvent compter sur le soutien de bénévoles œuvrant au sein du MLAC, des oreilles attentives, des bras pour porter, des sourires qui font espérer, les encadrent et ne jugent jamais les raisons que les font se rencontrer. Le MLAC, ce ne sont pas que des citoyennes engagées luttant pour le mieux-être d’autres femmes, ce sont aussi des médecins, des infirmières, des gynécologues qui, dans l’ombre d’une chambre, utilisent la méthode Karman pour leur permettre de respirer, vivre et se sentir libérée. Composé d’un casting d’exception (Laure Calamy, India Hair, Zita Hanrot ou encore Rosemary Standley pour ne citer qu’elles), « Annie Colère » retranscrit avec brio les années 70, des décors aux costumes, des voitures aux coupures de presse qui viennent épingler les décisions rétrogrades ou révolutionnaires des politiques. Le long-métrage, qui dure 2 heures mais ne s’en fait jamais ressentir, se veut indispensable, savamment réalisé, joliment interprété mais aussi extrêmement pédagogique et humain.
Durée du film : 2h Genre : Drame Date de sortie en Belgique : 11 janvier 2023 De Blandine Lenoir – Avec Laure Calamy, India Hair, Zita Hanrot, Rosemary Standley et Damien Chapelle |
Légende
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