Un loup parmi les loups Dix ans se sont écoulés depuis « Vincere » de Marco Bellocchio. Ce film où la femme et l’enfant cachés de Benito Mussolini réclamaient un peu de reconnaissance... 14 nominations ont souligné la formidable réussite de cette entreprise tellement audacieuse. Aujourd’hui, le réalisateur nous revient avec l’histoire de Tommaso Buscetta. Si ce nom ne vous dit rien, il a pourtant joué un rôle essentiel dans la connaissance du fonctionnement de la Casa Nostra et son affaiblissement ! Avec l’aide du juge Falcone (le très habité Fausto Russo Alesi), il a livré les membres les plus influents de la pieuvre à la justice italienne. La première partie du film est assez complexe à suivre tant les noms des mafieux et leurs familles sont nombreux. Les années 70’ et 80’ voient arriver à la tête de l’organisation mafieuse un membre de la famille des corléonais, l’ultra-violent Toto Riina. Avec lui, ce sont toutes les pratiques mafieuses qui se durcissent puisque ni les femmes, ni les enfants ne sont épargnés. Dans ces effusions de sang, Tommaso Buscetta ne se retrouve plus. En 1982, il décide de s’installer avec une partie de sa famille à Rio de Janeiro, laissant ses deux fils ainés en Italie. Cet acte aura de graves répercussions qui mèneront le mafieux repenti à traduire en justice l’ensemble de l’organisation en échange de sa protection et de celle de ses proches. Confessions d’un homme dangereux Si le film est aussi haletant et fascinant à suivre, c’est en grande partie grâce au jeu époustouflant de son acteur principal Pierfrancesco Favino qui crève littéralement l’écran ! L’acteur caméléon parvient, grâce à l’aide apportée par l’équipe artistique, à ressembler fortement au personnage qu’il incarne, son talent faisant le reste. Le film, bien qu’assez long dans sa durée (2h35 tout de même), parvient à nous captiver de bout en bout grâce à un découpage en trois temps. La première partie du film nous permet de découvrir le héros, sa famille et ses motivations. Nous comprenons que bien qu’il s’agisse d’un homme de main de la mafia, il accorde une importance particulière à une ligne de conduite qu’il s’est toujours donnée à suivre : ne pas mêler les femmes et les enfants aux situations et ne pas toucher à la drogue. Autoritaire et influent, il est écouté par les grandes familles bien qu’il ne soit pas chef. Son départ pour Rio de Janeiro correspond à son envie de prendre du recul par rapport à ce milieu qu’il a toujours côtoyé. Très rythmée, cette première partie montrera un nombre assez important de fusillades rendant l’atmosphère extrêmement pesante. Nous avons bien sûr peur pour lui et pour sa famille qui est restée en Italie. Le cadrage épouse parfaitement cette considération en préférant les gros plans ainsi que les plans moyens pour suivre les différents protagonistes. Le film bascule ensuite dans un film de procès très intéressant à suivre et dans lequel la caméra se pose enfin ! Réellement captivant, tout se joue dans les détails qui amusent, étonnent et apportent une dimension réelle qui flirterait presque avec le genre documentaire. Ces scènes de mensonges dans lesquelles les mafieux disent ne pas connaitre Tommaso Buscetta sont drôles de culot ! Tout comme cet autre truand qui parle un sicilien beaucoup trop rapide malgré les demandes du juge de parler plutôt italien puisque le procès se fait à Rome ! Des flashbacks enrichissent considérablement le récit et permettent aux spectateurs de mieux cerner une situation qui n’avait jamais été vue auparavant, puisqu’il s’agit du premier super-procès lié à la mafia en Italie ! Les scènes fortes en émotions s’enchainent nous laissant dans un état de tension enthousiasmant ! Il arrivera même que les images perdurent dans notre mémoire tant elles sont belles. Enfin, la « retraite » de Tommaso Buscetta aux Etats-Unis ne sera pas de tout repos. Ultra protégé puisque sa tête est mise à prix maintenant qu’il a balancé les compagnons de son ancienne vie, il n’aura d’autre choix que de changer souvent de domiciles et donc d’Etats avec sa famille. C’est alors qu’une sourde angoisse nous gagne : et s’il se faisait tuer au coin d’une rue ou dans un restaurant très fréquenté ? Peut-on échapper à la Cosa Nostra qui dispose de tant de ramifications en dehors de l’Italie ? Le réalisateur joue avec nos angoisses de façon exemplaire, et la musique tout simplement sublime composée par Nicola Piovani est d’une justesse et d’une ampleur marquante ! C’est bien simple, elle parvient à accentuer nos appréhensions pour nous tenir un peu plus en haleine ! De même, elle accompagne le crépuscule de la vie du personnage principal qui est désormais envahi par les remords. Avec « Le Traître », le réalisateur Marco Bellocchio nous revient avec une vraie proposition de cinéma. Ce biopic porté par des comédiens exceptionnels (Pierfrancesco Favino en tête !), est d’une maitrise vertigineuse et nous a entrainé, impuissant, dans un cinéma complexe où le film de mafia côtoie le film de procès avec une facilité déconcertante. Tous les ingrédients sont réunis - de la musique, à la réalisation en passant par le jeu des acteurs- pour subjuguer le spectateur dans une histoire certes contemporaine, mais peut-être méconnue. Assurément, « Le Traître » représente film de cette fin d’année ! Foncez ! Date de sortie en Belgique : 18 décembre 2019 Durée du film : 2h31 Genre : Biopic/Drame
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Avis : Mis en lumière grâce à son passage au Festival de Cannes où il a reçu le prix d’interprétation féminine, « Little Joe » de Jessica Hausner est à la croisée des chemins empruntés par les fables écologiques et les dystopies dramatiques. Quand les manipulations génétiques sont remises en cause, cela donne un film glacial et esthétiquement magistral. Alice au pays des chimères Alice, phytogénéticienne appliquée et jeune mère divorcée, se retrouve à quelques jours de la Foire aux Fleurs avec un problème de taille sur les bras : Little Joe, sa création florale destinée à rendre ses propriétaires heureux, semble perturber le système nerveux de tous ceux qui auraient humé son pollen malicieux. Sceptique et dans le déni du pouvoir qu’aurait développé sa propre création, la scientifique refuse de croire l’évidence qui évolue sous ses yeux. Mais lorsque son propre fils, Joe, et son entourage adoptent un comportement étrange, c’est toute sa rationalité et sa responsabilité qui sont mises à rude épreuve. Artistiquement irréprochable, le film de Jessica Hausner joue sur tous les sens et se veut minutieux tant dans son esthétisme que dans ses sonorités tantôt rassurantes, tantôt inquiétantes. A l’instar des agissements sobres de son personnage principal, le film déstabilise par sa lenteur, sa longueur et son scénario tourbillonnaire qui nous ramène sans cesse au même point. Oscillant entre vraie proposition cinématographique et lassitude soporifique, « Little Joe » a certes une vraie première belle intention très vite établie mais abandonne une partie de son public une fois le postulat de base révélé et installé. Sa fin totalement convenue et le chemin entrepris pour y arriver finissant par enfin se profiler, on sort circonspect de cette heure trente de prouesse artistique dénuée d'humanité ou d'empathie. Pourtant, son identité forte et son jeu de comédiens impressionnant (mention spéciale à Emily Beecham qui parvient à garder son sang froid et faire passer ses émotions sans tomber dans un surjeu inopportun) ont de quoi faire ressortir « Little Joe » du lot. Ses thématiques complexes et son angle d’attaque, ce souhait de jouer avec la colorimétrie et les effets sonores fonctionnent ou se calquent à merveille sur un concept visuel qu’on a peut l’occasion de voir ces derniers temps. L’ordre et le blanc immaculé du laboratoire, l’appartement vide et peu cosy de Joe et Alice, le manque d’émotions sincères entre la mère et son fils ou Alice et ses collègues, montrent combien notre société individualisme et parfois carriériste empiètent sur la chaleur des relations humaines et nous font délaisser une partie de nos vies. Le bonheur doit-il émaner du doux parfum d’une fleur ou se construit-il au quotidien ? Les manipulations génétiques (pour rendre nos lendemains parfaits) n’imposent-elles pas une série de concessions qui nous priment de l’essentiel ? Perturbant, « Little Joe » de Jessica Hausner ne laisse pas insensible et s’il finit par nous lasser par son scénario un peu trop répétitif, a le mérite d’entrouvrir la porte d’une proposition cinématographique et philosophique à travers son drame scientifique et fantastique. Date de sortie en Belgique : 25 décembre 2019 Durée du film : 1h46 Genre : Drame/Fantastique/Science Fiction
Avis : Premier long-métrage de la comédienne néerlandaise Halina Reijn, « Instinct », est un énième drame psychologique et érotique tendu dans lequel s’affrontent deux fortes personnalités. Ici, il s’agit de celle de Nicoline, une thérapeute dans le monde carcéral et de Idris, un violeur en série violent. Aussi ténue que la résistance de ses personnages principaux, l’originalité de son scénario (co-écrit par la romancière Esther Gerritsen) réside plutôt dans la mise en place de leur rapport de force que dans le dénouement attendu de son intrigue. « Instinct », un film basique L’instinct évoqué dans le titre du film est celui qui tiraille l’être humain doté de raison mais qui s’abandonne à l’empressement de ses pulsions. L’instinct animal qui réside en chacun d’entre nous mais qui sommeille dans l’inconscient, qui se maintient en cage et ne dépasse pas les limites dictées par les interdits de notre éducation, notre bienséance et notre sécurité. La relation entretenue entre Idris et Nicoline (très concluants Carice van Houten vue dans « Game of Thrones » et Marwan Kenzari, Jafar dans le « Aladdin » de Guy Ritchie) a cela de dérangeant qu’à tour de rôle, l’un prend l’ascendance sur l’autre, s’abandonnant à ses fantasmes, les réprimant ou au contraire, les réalisant. Nicoline a la froideur et la distance d’une psychothérapeute mais aussi la solitude d’une enfant surprotégée (ou abusée ?), d’une femme qui ne sait pas véritablement exister. Ses relations parlent pour elles, ses réactions aussi. Attirée par l’interdit, bridée dans sa propre vie, Nicoline a-t-elle jamais entretenu une relation saine avec quiconque jusqu’ici ? L’escalade d’un désir réciproque mais interdit, la séduction malsaine et l’abandon sont présentés dans une atmosphère psychologiquement éprouvante pour ses protagonistes comme pour ses spectateurs et crée par moments un malaise que Verhoeven ou May el-Toukhy (« Queen of hearts ») sont eux aussi parvenus à installer. La manipulation de l’un, la provocation de l’autre, le magnétisme qui s’échappe de ces deux êtres que tout oppose troublent, insupportent ou fascinent et c’est là que l’on décèle tout le potentiel latent de Halina Reijn qui, dans un de ses derniers plans, nous prend à témoin et nous fait comprendre que le « voyeurisme » que nous avons indirectement exercé nous a aussi piégé. Le regard dense de Nicoline face caméra, furtif mais appuyé, nous faisant presque culpabiliser et rappelant, le génie en moins, un procédé qu’Hanneke avait en son temps largement utilisé. Faut-il dès lors se plonger dans cet « Instinct » ? Oui, si vous avez les épaules assez larges et le recul nécessaire pour cueillir l’histoire oppressante de Halina Reijn. Véritable expérience cinématographique immersive, son long-métrage a certes les défauts d’un premier métrage pas toujours maîtrisé mais poursuit et montre qu’il y a quelque chose à creuser. Date de sortie en Belgique : 11 décembre 2019 Durée du film : 1h48 Genre : Thriller psychologique
Trond est un homme solitaire, récemment veuf, qui trouve refuge dans les bois norvégiens et se coupe de tout, du monde, de son passé, de sa famille du moins, jusqu’à ce qu’il croise la route de Lars, un homme qu’il a connu plus de 40 ans plus tôt. Une rencontre qui ravivera des émotions au plus profond de lui-même, des sentiments contradictoires qui feront remonter à la surface le souvenir de la naissance d’un désir pour une femme plus mûre, celui des premières frustrations, des douleurs et des déceptions mais aussi les difficultés de laisser l’innocence de l’enfance derrière soi et de passer à l’âge adulte. Représentant la Norvège dans la course aux Oscars, « Out Stealing horses » est un film intimiste évoquant l’amour, la mort, les fantômes du passé. Construite dans un ensemble de décors grandioses où la nature tient un rôle d’envergure, l’intrigue se dévoile au fil de flashback, allant de la fin de l’adolescence estivale (qui a vu la vie de Trond basculer) à cet hiver rude et isolant qui le voit vaciller dans ses derniers retranchements. Sorti dans quelques salles du pays, le film de Hans Petter Moland se vit plus qu’il ne se décrit et offre une expérience sensuelle et sensorielle dans le passé trouble d’une vie qui ressurgit. Récompensé par l’Ours d’Argent de la Meilleure Contribution Artistique à la dernière Berlinale, le onzième long-métrage du réalisateur s’immisce dans une petite communauté où un drame familial révolutionne un petit monde autarcique et où chaque membre a son petit secret, son regard indiscret ou au contraire, le souhait de préserver d’autres jardins secrets. Son esthétisme et ses silences, sa latence et ses pauses éloquentes font de « Out stealing horses » un véritable plaisir pudique pour les yeux comme pour le cœur. Date de sortie en Belgique : 18 décembre 2019 Durée du film : 2h02 Genre : Drame Titre original : Ut og stjæle hester
Drôle et touchant, le feel good movie de Tyler Nilson et Michael Schwartz a beau être d’un classicisme évident, il est doté d’un humanisme bienveillant et de bons sentiments, de ceux qui toucheront au cœur bon nombre de gens. Il en va de même pour son casting quatre étoiles investit dans ses rôles principaux ou secondaires, de ses figures connues de tous (Shia Labeouf, Dakota Johnson, Thomas Haden Chruch et Bruce Dern en tête) ou du débutant et convaincant Zack Gottsagen. Touché par le syndrome de Down (mieux connu sous le nom de Trisomie 21), le comédien a la même ténacité que le personnage qu’il incarne, celle de concrétiser ses rêves. A l’instar de Zak qui voulait plus que tout intégrer une grande école de catch, son interprète principal avait pour souhait extrêmement cher, celui de devenir une star de cinéma. Qu’à cela ne tienne, Tyler Nilson et Michael Schwartz, deux amis pour qui « The peanut butter falcon » est le premier long-métrage, ont non seulement relevé le défi de passer du court au long mais aussi celui de réunir à l’écran un Zak qu’ils avaient déjà rencontré dans un atelier artistique et une belle brochette d’acteurs qui ont accepté d’entrer dans l’aventure dès la lecture du script des deux apprentis scénaristes. S’ensuit non seulement une aventure humaine, dans laquelle chacun à su trouver sa place, mais aussi la réalisation d’un film où, en plus d’aller à la rencontre des autres, nos héros vont à la rencontre d’eux-mêmes et trouvent au fond d’eux, des désirs et des moments qui vont enfin les rendre pleinement heureux. Joli road movie aux faux airs du « Huitième jour » (qu’on lui a préféré), « The peanut butter falcon » est un film sur l’accomplissement de soi, de la rédemption, de l’ouverture aux autres quelques soient leur origine, leurs fêlures, leur passé ou leurs fragilités. Petit plaisir savoureux et lumineux, le premier long métrage de Nilson et Schwartz ne révolutionne pas le genre mais amuse par ses répliques délicieuses, égaye par la complicité évidente qui se dégage du jeu d’acteurs et touche par son extrême bonté. Il est aussi une jolie occasion pour Dakota Johnson de montrer combien la comédienne a su négocier avec brio l’après « 50 nuances de Grey », à Shia Labeouf de s’offrir un rôle charismatique et de reprendre le dessus sur ses propres déboires et à Zak Gottsagen de voir son nom écrit en lettres capitales sur les affiches d’un film qui, à ne pas en douter, aura permis à son rêve de se concrétiser. Date de sortie en Belgique : 25 décembre 2019 Durée du film : 1h33 Genre : Drame
L’architecte de sa vie Par un sacré coup de pouce du destin, Maud Crayon, jeune architecte séparée par alternance du père de ses deux enfants, se voit parachutée à la tête de la rénovation du parvis de Notre Dame dotée d’une somme coquette de 120 millions d’euros pour sa réfection. Ce qui devait être à la base une plaine de jeux pour enfants devient le symbole du renouveau de l’Ile de la Cité et par la même occasion, le déclencheur d’une succession de rencontres qu’elle n’avait pas vu arriver. Critique discrète mais assumée de notre société, « Notre Dame » ne nous conte pas que les pérégrinations de Maud Crayon, ses amours compliquées et son changement de situation. Le film met en lumière la violence de notre société individualiste, la critique systématique, le refus de la contemporanéité de l’art dans un espace urbain en mutation et les situations amoureuses non formatées difficiles à accepter. A travers son intrigue, Valérie Donzelli prend quelques risques et ose une mise en scène non conventionnelle, partant dans différents styles, différents genres et propose une relecture de la comédie française que ne renieraient ni Jacques Demy, ni Michel Gondry. Facétieux et lumineux, « Notre Dame » sort des sentiers battus, à l’instar de l’œuvre monumentale imaginée par Maud Crayon, une création qui sera dépossédée de son inventeur et remaniée pour finir par n’être plus qu’un projet sans âme ni ampleur. Si on peut reprocher au film d’être par moments un peu brouillon, touffu et confus, on appréciera sa délicatesse, son regard attendri sur Maud et les hommes de sa vie. Ces hommes qui, comme les comédiens qui les incarnent (Pierre Deladonchamps, Bouli Lanners et Thomas Scimeca) apportent une douce folie, un équilibre ou de la tendresse pour un personnage en détresse. Rafraichissant et légèrement loufoque, « Notre Dame » amène le même sentiment de légèreté que « La reine des pommes », un premier film attachant qui définissait déjà la singularité de Valérie Donzelli. Si d’aventure vous cherchiez un petit métrage positif qui n’a pour ambition que celle de vous faire rêver, celui-ci pourrait bien remplir sa mission en cette fin d’année. Date de sortie en Belgique/France : 18 décembre 2019 Durée du film : 1h29 Genre : Comédie
Avec « L’ascension de Skywalker », JJ Abrams reprend la barre de ce vaisseau amiral pour un film qui devrait diviser les fans ! La question n’est pas tant de savoir si le film vaut le coup ou pas, mais de savoir qui vous êtes ? Tout est une question d’identité. Etes-vous un puriste, fan de la première heure ou un amateur de blockbuster spécialement calibré pour attirer la sympathie ? En fonction de votre réponse, vous allez trouver un spectacle qui dépote ou un crime de lèse majesté vis-à-vis de la Force, de l’esprit de la trilogie originale et de ses fondements. Des débuts prometteurs Lorsque vous serez confortablement installé dans votre siège, n’oubliez pas d’inspirer un grand coup car le rythme des débuts est diablement efficace ! L’intrigue se met en place avec une fluidité peu banale et nous sentons que l’émotion va rapidement nous gagner ! Ce sentiment est d’autant plus vrai que l’action est accompagnée par les notes magistrales de Jon Williams qui nous livre une partition dont lui seul a le secret ! Et avec celle-ci, les cuivres feront battre votre cœur un peu plus vite encore ! Visuellement, une noirceur bienvenue accompagne Kylo Ren (Adam Driver) pour une mission qui vous fera frémir ! Hélas, ce préambule trop court fait place à une suite plus convenue. Miroir mon beau miroir Très vite, on sent que le réalisateur JJ Abrams revient à un traitement plus conventionnel pour lequel les héros se retrouvent afin de partir en mission. L’occasion pour le spectateur de s’émerveiller de certains décors (la scène de la danse sur une planète désertique est visuellement très belle) et de pester contre le recours au numérique pour certains monstres. Les références à la trilogie initiale sont nombreuses et on sent que le réalisateur applique la technique du miroir pour reprendre inlassablement les mêmes mécaniques, et surtout celles éprouvées sur le « Retour du Jedi » ! Peu de surprises dans les pérégrinations de nos amis sinon quelques «twists » monstrueux disséminés dans le récit et qui feront assurément réagir et affoler une nouvelle fois la communauté des fans ! Mais le principal reproche est justement de provoquer l’émotion par des révélations qui se trouvaient déjà au sein de la « sainte première trilogie » au lieu de créer véritablement du nouveau comme avait pu le faire le pourtant décrié Rian Johnson avec « Les Derniers Jedi ». Pour le reste, le réalisateur nous offre une réalisation solide appuyée par un cast qui connait désormais les ficelles du métier ! Les univers créés sont enchanteurs et colorés ou au contraire d’une noirceur réellement inquiétante à tel point qu'aucun d'entre eux ne devrait vous laisser indifférent. Quant aux effets spéciaux, ils sont généralement très bons à l’exception de quelques monstres 3D qui plombent l’ambiance (vous aussi vous êtes encore hantés par la trilogie originale remasterisée ou par la prélogie ?) ou de l’explosion d’une planète qu’on croirait en carton pâte et qui est détruite beaucoup trop vite, étrange… Les amateurs d’action en auront pour leur argent et jamais nous n’avons trouvé le temps long tant l’action est omniprésente et l’humour de qualité ! Nous rions souvent de bon cœur car les personnages présents peuvent se montrer attachants. Le fan service tourne à plein régime afin de contenter et d’émouvoir le plus grand nombre dans une soupe joyeuse et...très généreuse. Néanmoins, son surenchère visuelle enlève le côté dramatique installé et c’est là tout le revers de la médaille. Fantômes contre fantômes Toutefois, notre plaisir passe aussi par les retrouvailles d’avec un casting annoncé avec une belle surprise à la clé. Outre le trio gagnant de Rey, Finn et Poe (Daisy Ridley, John Boyega et Oscar Isaac), quel plaisir de retrouver ce vieux brigand de Lando Calrissian (merveilleux Billy Dee Williams- dont nous percevons la joie de renouer avec la franchise). Côté revenants, notons la fabuleuse intégration de Carrie Fisher qui, bien que décédée il y a trois ans, revient pour un dernier tour de piste grâce aux rushs non utilisés du dernier film. Émouvant ! Quant sinistre empereur Palpatine, dont la voix résonnait à la fin de la bande annonce, il nous glace véritablement le sang grâce au jeu impeccable de Ian McDiarmid qui devrait vous marquer durablement… La perversion de la Force Pourtant, tout n’est pas radieux dans ce ciel d’apparence si bleu ! La faute à l’envie du réalisateur de manger à tous les râteliers. L’objectif poursuivi est de recoller coûte que coûte à deux trilogies pourtant bien différentes de par leurs orientations et leurs structures. Dès le « Réveil de la Force », l’utilisation scénaristique d’un effet miroir servait à coller au plus près de l’épisode IV : « Un Nouvel Espoir ». Après une envie de nouveautés et la volonté de Rian Johnson de recoller avec l’esprit des premiers films, nous retrouvons JJ Abrams qui s’emploie à faire référence au « Retour du Jedi » pour nous montrer qu’il tient absolument à boucler la boucle, à s’inscrire dans les pas de Lucas mais avec davantage de démonstration... et cela passe forcément par des « révélations dingues » sur le passé de Rey que nous trouvons un peu faciles ! Ici, on provoque l’émotion et des situations « énormes » afin de coller au mieux à ce qui a déjà été fait ! L’Histoire se répète inlassablement avec quelques variations afin de créer artificiellement la surprise. Scénaristiquement, seule la fin justifie les moyens et on ne s’ennuiera guère des grosses ficelles déployées pour aider le script posé sur des rails à avancer. Un nombre incroyable d’exemples nous vient à l’esprit comme cette scène où un vaisseau amiral seul détruit une planète en quelques secondes là où jadis l’étoile noire ou l’étoile de la mort le faisait après un temps de chargement de plusieurs minutes. Ce raccourcissement au niveau de la vitesse d’exécution est symptomatique de notre société instantanée où les « «temps » ont disparu pour gagner en efficacité au détriment de tout réalisme. Ce raccourcissement médiatique est également à aller chercher du côté des (anti-)héros qui apprennent toutes les arcanes de la Force sans entrainement ou formation dispensée par un maître à penser… D’ailleurs, cette fameuse perversion de la Force n’a plus grand-chose à voir avec ce qui était présent dans les épisodes IV, V et VI. Ici, la Force déployée par les Sith et les Jedi s’apparente à de la magie ! Tout est désormais possible (même l'impossible), aucune limite n’est rencontrée dans l’apprentissage et l’utilisation des capacités déployées ! Sommes-nous dans un film de superhéros? Le personnage de Luke Skywalker nous avait pourtant prévenus dans l’épisode précédent que la Force n’était pas de soulever des cailloux ou de jeter des éclairs… mais de là à passer à une démonstration trop souvent grossière et hors de tout contrôle. Où sont la nuance, le dosage et l’équilibre de la Force ? Comme il aurait été bon de sortir cette franchise de ces simplifications outrancières qui amenuisent les enjeux. "L'ascension de Skylwalker" est-il l'épisode final attendu? Une fois encore, tout dépendra du bagage « star warsien » que vous portez en vous car c'est lui qui déterminera votre jugement ! Nous, on préfère se dire que même si l’intention est louable et que c’est dans l’air du temps, c’était mieux avant ! Date de sortie en Belgique/France : 18 décembre 2019 Durée du film : 2h22 Genre : Science-Fiction Titre original : Star Wars: The Rise of Skywalker
Bête curieuse dont ils ne partagent pas le langage, le Prince est non seulement observé, décrit et stimulé par les deux scientifiques mais est aussi une formidablement opportunité pour eux de reprendre leur thèse et de prouver que d’autres peuples existent. Mais la découverte du monde dans lequel il vient d’être parachuté, le prince la doit à Tom, le fils des deux savants qui mettra tout en œuvre pour comprendre ce nouveau venu et faire tomber les barrières de la méfiance.
Joli conte philosophique sur l’acceptation de l’autre, « Le voyage du prince » est une aventure colorée, didactique et humaniste, un film d’animation soigné dans sa forme autant que dans son fond, un métrage s’adressant aux petits comme aux grands et ce, intelligemment. Si la trame est peu originale, les thèmes convoqués ont eux un intérêt certain et rendent ce voyage initiatique chaleureux et didactique. Réalisé à quatre mains (celles de Jean-François Laguionie et de Xavier Picard – à qui on doit « Les Moomins sur la riviera » - ), « Le voyage du Prince » est aussi une belle histoire d’amitié, de filiation et de compréhension de l’autre et de sa richesse culturelle. Agréable esthétiquement , le film est non seulement une ode à la tolérance mais aussi un film familial divertissant et réussi. Date de sortie en Belgique : 11 décembre 2019 Date de sortie en France : 4 décembre 2019 Durée du film : 1h16 Genre : Film d’animation
En attendant Guida… Septième long-métrage de Karim Aïnouz, « La vie invisible d’Euridide Gusmao » nous conte l’histoire de deux sœurs qui ont tout partagé dans leur enfance et leur adolescence. Jusqu’au jour où Guida, amoureuse d’un marin grec, quitte la maisonnée pour ne jamais la retrouver. Restée seule, Euridice, passionnée par la musique et déterminée à entrer au Conservatoire de Vienne, voit son monde s’écrouler lorsque son père, boulanger, la marie au fils d’un fournisseur aisé. Séparée par leurs destins et par le chagrin, les deux jeunes femmes, à l’aube de leurs vies d’adultes, vont grandir loin l’une de l’autre, dans un berceau fait de désillusions, de misère, de violence ou de malheur conjugal. Cru ou brutal par moments, le film du réalisateur brésilien se veut sans détour et montre le quotidien difficile et gris des femmes évoluant dans les années 50 sous la coupe de pères et de maris. Guida et Euridice, qui n’ont jamais été heureuses en amour, ne le sont pas plus dans leurs vies de femme, d’épouse, de mère et traversent un long chemin de croix. Relevées parfois par quelques mères célibataires, par des amis ou par une passion qui n’a jamais cessé de les porter, les deux sœurs ont pourtant un énorme sentiment de solitude… celui laissé par l’absence d’une sœur qui aurait compris. La détresse humaine et la noirceur de leur quotidien n’ont d’égal que les couleurs chatoyantes des appartements ou des cours arborées qu’elles ont habités ou traversés. Véritable point fort du film, la photographie de la Française Hélène Louvart nous immerge pleinement dans les quartiers pâles de la ville et dans la moiteur du climat tropical, utilisant la couleur, la luminosité et son grain particulier pour contrebalancer le sentiment de morosité que distillent nos héroïnes. Inspiré du roman « Les mille talents d’Euridice Gusmao » de Matha Batalha, le film n’est pourtant pas réalisé par une femme mais est dédié aux femmes, à celles qui ont durant des années été si peu considérées qu’elles évoluaient dans les villes sans vraiment exister. Film dispensable et fort, « La vie invisible d’Euridice Gusmao » est d’une justesse incroyable, et est porté par deux actrices admirables de talent : Carol Duarte et Julia Stockler. Deux femmes dans les regards desquelles transparaissent toute la douleur de leurs personnages, toute leur détresse et leur infinie tristesse. Deux comédiennes dont les rares sourires sont de véritables soleils qui illuminent un écran de toile blanc. Intimiste et déstabilisant, direct et compatissant, « La vie invisible d’Euridice Gusmao » nous prend aux tripes, véritablement. Date de sortie en Belgique/France : 11 décembre 2019 Durée du film : 2h20 Genre : Drame Titre original : A Vida Invisível de Eurídice Gusmão
Associé régulièrement (et à tort) à « Girl » de Lukas Dhont, « Lola vers la mer » est pourtant un film bien à part, avec son angle propre, son récit de vie, ses enjeux bien différents comme l’absence du soutien dans un parcours de vie du combattant. Si l’histoire de Marina (l’héroïne du très beau « Una mujer fantastica ») résonne encore dans un coin de notre tête (et de notre cœur), celle de Lola fait également vibrer notre corde sensible et se place à la hauteur d’une adolescente au courage indéfectible, nous faisant vivre une heure trente de douleur, de déception mais aussi d’espoir. Faisant la route aux côtés d’un père qui ne cesse de lui rappeler sa vie d’avant, la jeune femme en devenir compte bien mener à terme sa lourde quête, celle d’accompagner les cendres de sa mère vers un littoral paisible où ses propres souffrances feront à nouveau surface. Le déni de sa nouvelle identité, de ses envies de changement, le besoin d’appeler son fils Lionel et le refus de comprendre ce qui le rend important bouleversent Philippe et l’endurcissent un peu plus à chaque fois qu’il découvre ce qu’est devenu celui qu’il a un jour jeté à la rue. Benoit Magimel, parfait dans ce rôle de père anéanti, crève l’écran et incarne avec justesse un personnage ambivalent, qui se bat chaque heure contre différents sentiments. Face à lui, Mya Bollaers, une jeune comédienne transgenre, plus en retenue mais tout aussi touchante. Le tandem qui occupe tous les plans s’accordent et donnent vie à cette histoire difficile où rejet de l’autre, provocation, désamour et détresse dressent de nombreuses barrières entre deux êtres qui partagent le même sang, le même amour pour un membre de leur famille à présent absent. Efficace et prenant, rempli d’espérance et extrêmement touchant, le deuxième long-métrage du belge Laurent Micheli (réalisateur de « Even Lovers Get the Blues ») se veut à pudique, authentique et surprenant. Road movie familial aux étapes parfois encourageantes, parfois difficiles, « Lola vers la mer » est d’une justesse appréciable et d’une bienveillance notable… Un film à voir ! Date de sortie en Belgique/France : 11 décembre 2019 Durée du film : 1h27 Genre : Drame
En jouant la carte d’une nouvelle suite, Kasdan aurait pu se planter royalement mais force est de constater que le public répond toujours présent et que le savant mélange de comédie/aventure fonctionne toujours autant... même s’il s’avère un peu plus fainéant. Try again… Quelques mois après un premier reboot plutôt concluant, Dwayne Johnson, Jack Black, Kevin Hart et Karen Gillan redonnent de leur personne et entrent dans la danse d’une nouvelle histoire fantastique tout droit sorti de l’imagination du réalisateur et scénariste Jake Kasdan. Et si rien ne semble avoir véritablement changé (l’humour est toujours omniprésent, l’autodérision au top et l’aventure au rendez-vous), la fine équipe parvient pourtant à upgrader son statut de troublions pour livrer une performance des plus appréciable. En effet, alors que le quatuor originel était formé de Martha, Fridge, Bethany et Spencer, la nouvelle team d’aventuriers du dimanche est constituée des deux premiers et de deux grands-pères totalement étrangers au monde du jeu vidéo. Si le concept permet de mettre en place des scènes cocasses, c’est aussi l’occasion en or de permettre à Dwayne Johnson et à Kevin Hart de cabotiner comme jamais, incarnant les avatars de Danny de Vito et Danny Glover à la perfection ! Mais ce n’est pas la seule trouvaille de ce deuxième volume moderne de la licence « Jumanji ». Dans ce nouvel opus, seule Martha a gardé son avatar initial car si Fridge se retrouve dans le corps d’un Jack Black au sommet de sa forme, Bethany et Spencer viennent eux gonfler les rangs avec des personnages inédits et délirants. Toujours amusant, « Jumanji : next level » a certes de jolies qualités mais aussi de sacrés défauts. Si l’idée originale a déjà été exploitée et s’essouffle dans la seconde moitié de son métrage, on regrette davantage un réel manque d’enjeu et d’adrénaline. Là où l’action parvenait à nous tenir scotcher à notre siège dans son premier level, ce deuxième semble beaucoup trop facile pour nous tenir en haleine et tombe très vite à plat. S’ils ne possèdent toujours que trois vies et les égrainent à une vitesse grand v, leurs caractéristiques (plus proches de super-pouvoirs que de belles facultés) et les quêtes les menant vers l’issue du jeu s’avèrent moins passionnantes et bien plus aisées que précédemment. La faute à un scénario plus paresseux ou à un manque de surprise ? Difficile à dire… Si on regrette ses longueurs excessives et son manque de tenue général, son comique de répétition et son angle nouveau nous permettent d’apprécier à sa juste valeur la première moitié de ce nouveau Jumanji parvenu à nous distraire et nous amuser plus que nous l’espérions. Honorable continuité de ce qui avait déjà été installé, « Next level » nous fait cependant craindre un nouvel opus dont les idées auront sans doute déjà été épuisées mais qui sait ce que Kasdan et sa team peut encore nous réserver… Date de sortie en Belgique/France : 11 décembre 2019 Durée du film : 2h03 Genre : Comédie/action/aventure Titre original : Jumanji : the next level
Et si le film donne envie de pousser les portes de son cinéma préféré, il le doit en grande partie à son casting prestigieux ! Outre Edward Norton, nous nous régalons de voir à l’écran Bruce Willis, Willem Dafoe, Alec Baldwin et Bobby Cannavale. De sacrés acteurs pour une enquête bien sombre aux échos étrangement très actuels ! « L.A Noire » version New York Mais où était passé Edward Norton ? Bien sûr, nous avons pu l’apercevoir de manière fugace dans « Alita: Battle Angel » pendant cinq secondes, et avant ça dans « Beauté Cachée » avec Will Smith (2016) et surtout « Birdman » en 2015 mais c’est tout de même peu (et notamment en terme de temps de présence à l’écran). C’est qu’il nous manquait le bougre ! Avec « Brooklyn Affairs », l’acteur/ réalisateur signe son deuxième film, vingt ans après le sympathique « Au nom d’Anna ». Débutant sur des chapeaux de roues, nous sommes amenés à suivre l’enquête périlleuse de Lionel Essrog, un détective privé atteint de la maladie de La Tourette qui cherche à faire la lumière sur l’assassinat de son patron et néanmoins ami (Bruce Willis). Très vite, l’anti-héros se distanciera de ses collègues quelque peu effrayés par l’ampleur de la tâche, le danger et les menaces qui pèsent sur eux. C’est néanmoins l’occasion de prendre le pouls de ce bureau de détectives réunissant les excellents Bobby Cannavale (« The Irishman », « Vinyl », « Blue Jasmine »), Ethan Suplee (« My name is Earl ») et Dallas Roberts (« New-York Unité Spéciale »). Au fil des rencontres, les pièces d’un grand puzzle finissent par s’emboiter grâce à l’aide de Paul, un homme dont on sent qu’il aimerait mener le combat, s’il en avait davantage le courage. Véritablement habité, Willem Dafoe nous prouve une fois de plus son immense talent ! Mais que serait un bon polar sans des personnages ambigus comme celui de Moses Randolph (Alec Baldwin y est impérial !) élu de la ville qui semble tirer beaucoup de ficelles dont celle de l’immobilier de New-York ! D’ailleurs, il est intéressant de remarquer que si la ville est aujourd’hui celle que l’on connait, c’est grâce à la vision et à la détermination de ces grands patrons de l’immobilier qui sont parvenus à imposer leurs réalisations pour faire de New-York une ville moderne, donnée en exemple. Très clairement inspiré de Robert Moses (l’urbaniste responsable de la rénovation de la Big Apple), cette adaptation du livre de Jonathan Lethem est une formidable relecture de l’Histoire américaine contemporaine. Pendant près de 2h25 minutes, le réalisateur et Dick Pope, son chef opérateur sont parvenus à nous faire voyager dans le New-York des années 50 de façon extrêmement réaliste. Tout dans le film y participe et notre regard est fasciné par ce qu’il voit : les quartiers de la ville sont traversés par des ancêtres aux chromes et couleurs pastel brillant de mille feux, et conduites par des hommes et des femmes élégamment vêtus. Voilà un réalisateur qui sait ce qu’il veut et qui l’obtient ! L’ambiance sonore du film n’est pas en reste et nous nous sommes régalés des interprétations de jazzmen dont les influences du bebop de Charlie Parker ou de Miles Davis font plaisir à entendre ! Un héros malgré lui Malgré nous, cette enquête nous fait penser au « Chinatown » de Polanski pour son ambiance mais aussi pour son personnage qui n’était pas destiné à être un héros. Edward Norton est prodigieux dans le rôle de Lionel qui dira dans le film qu’un « anarchiste prend le contrôle » comme en témoigne ses nombreuses bizarreries qui prêtent à sourire. Véritable performeur, l’acteur est fait du même bois que celui de Joaquin Phoenix, désormais visage tout sourire du Joker ! Jamais horripilant malgré son handicap, Edward Norton parvient à insuffler beaucoup de vie et d’énergie dans son personnage. Pourtant, tout n’est pas rose dans ce film noir ! Les deux bémols sont à aller chercher du côté du rythme inconstant et d’un scénario dont l’indice principal est compris par le spectateur mais pas par le protagoniste principal ! Les amateurs d’intrigues policières devront se résigner à attendre que le héros finisse par comprendre ce qui était évident. Heureusement, des rebondissements colorent une note finale qui n’est donc plus si convenue. Même si le film a été écrit avant l’élection de Trump, l’ombre de l’homme d’affaires et actuel président américain plane sur le métrage. D’abord parce qu’il incarne ce qui fait la particularité de New-York, sa grandeur moderne bâtie avec des briques et des ponts. Ensuite, parce que cette enquête révèle les nombreuses métamorphoses architecturales portées par une modernité galopante à peine freinée par les cris des communautés ethniques qui ne demandent qu’à croquer également dans cette Grosse Pomme... Entre bouleversements étatiques, cris de la rue et meurtre, le polar néo-classique d’Edward Norton à décidément beaucoup à dire ! Date de sortie en Belgique/France : 4 décembre 2019 Durée du film : 2h24 Genre : Polar/ Policier Titre original : Motherless Brooklyn |